mercredi 28 novembre 2007

Photoquai 1

Wang Gang, photographe chinois :
« J'aime photographier les enfants et les vieux. Il semble que les enfants aient un avenir indéterminé, même si, dans bien des endroits, une fin de vie solitaire est ce qui les attend inexorablement. Leur destin ressemble à celui que l'on voit sur les photographies des personnes âgées qui souffrent. Un voyage aussi déprimant les attend. Mais, au moment présent, les enfants entament tout juste leur voyage. Ils peuvent encore briser les chaînes et avoir une nouvelle vie. En comparaison, ce que l'on a pu percevoir chez les vieux appartient plus au passé qu'au futur, auquel ils n'aspirent plus. Tout comme leurs ancêtres, leur but dans la vie est de « vivre », en laissant le temps dévorer sans pitié ce qui leur reste de vie. Dans les régions reculées et sauvages, ils finiront par quitter ce monde à l'endroit même où ils sont nés. Ce qui leur reste à vivre semble se traîner à même le sol jusqu'à ce que la mort fasse soudain irruption. Les feuilles mortes rejoignent alors les racines. Ma présence a figé en une image singulière un moment précis de leur existence qui s'écoule. Ces images ont été développées l'une après l'autre, et elles racontent ces peines sans retour, en un lieu situé entre réalité et illusion. Avec « Yi People in the Wilderness (Les Yi, peuple des étendues sauvages) », j'ai essayé de me concentrer sur ces ethnies qui refusent presque totalement toute forme d'évolution en un lieu donné, malgré l'invasion implacable de la civilisation. J'ai fait de mon mieux pour éviter les envahisseurs malveillants et découvrir la nature intrinsèque des Yi. Avec « Beyond the World (Au-delà du monde) », le temps paraissait s'être arrêté en un lieu immuable, et il semblait insignifiant de vouloir saisir ce moment. Cependant, un dieu tout puissant m'imposait cette poursuite et cette quête. Bien qu'il ne m'ait pas doté d'assez de force, et qu'au moyen d'un climat étrange il me rappelât que je ne faisais pas partie de son peuple, je lui savais pourtant gré de son indulgence, puisqu'il ne m'avait pas privé de ma liberté de penser. Diane Arbus, que j'adore, mais qui est morte si jeune, me le rappelle tout le temps : il faut affronter sans détour la vie morne et douloureuse. Dans les régions montagneuses, quand les Yi, figés par le froid, fixaient sur mon appareil photo leurs regards pleins de souffrance, ils mettaient à nu tous les péchés originaux de l'humanité – la faiblesse, la cupidité et la terreur. »

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